Les mystères de Nokogiri

Publié le par RL

Vous ai-je déjà raconté la fois où, comme Tintin, j’ai pris le bateau pour enquêté dans un pays exotique ? Ou cette journée où j’ai fait d’incroyables découvertes archéologiques tel un Indiana Jones moderne ? On encore la fois où j’ai crapahuté dans un archipel mystérieux comme le héros d’Hyrule ? Jamais ? Vraiment ? Alors, bonne lecture.

 

Maintenant, c’est moi qui raconte !

Maintenant, c’est moi qui raconte !

Ce n’était pas la première fois que je vivais une aventure que mes fans n’hésiteront pas à qualifier d’exceptionnelle - A titre d’exemple, certain se souviendront peut-être de cet été 2006, où j’avais traversé la France avec deux complices sur un vélo à trois places* - Pourtant, rien ne m’avait vraiment préparé à l’expérience que je vais vous narrer aujourd’hui.

Depuis qu’Audrey et moi nous étions fiancés au sommet du toit du Japon, rien ne paressait impossible. Aussi, avons-nous décidés de traverser l’océan la baie de Tokyo pour tenter de percer le mystère du mont Nokogiri (Nokogiri Yama, comme l’appellent les autochtones).

La musique de John Williams est en option.

La musique de John Williams est en option.

Selon d’anciennes légendes orales (que nous a transmises Roseline) et de vieux écrits (le guide du routard) le sommet du mont Nokogiri renfermerait moult surprises. Qu’allons y trouver ? un gorille nommé Ranko ? L’Arche d’Alliance ? Un pokémon super rare (genre Mew) ? Les sources divergentes. Il n’y qu’un seul moyen de savoir : se rendre sur place.

C’est là que l’aventure commence ! Les cartes sont formelles : le mont Nokogiri se situe quelque part aux alentours de la petite ville portuaire de Kanaya (merci google maps). Premier problème : un bout d’océan Indien nous sépare de la ville. Il n’est pas impossible que nous ayons à traverser la baie de Tokyo à la nage ! Nous devrons donc nous rapprocher au maximum de la berge opposée.

"C’est beau mais c’est loin"

"C’est beau mais c’est loin"

Nous partons à l’aube de notre appartement de Kamata (quartier résidentiel, au sud de Tokyo) pour rejoindre la gare la plus proche. C’est l’occasion de constater que les habitants du quartier font la queue, devant leur salle de pachinko** préférée bien avant l’ouverture des portes pour avoir la meilleure machine... Nous prenons la Keihintohoku Line jusqu’à la ville de Yokohama. Pour le moment, rien de bien complexe. Nous vivons à Tokyo depuis quelques temps et nous avons l’habitude de fréquenter cette ligne pour rejoindre Kawasaki, où vie Roseline. Nous ne sommes jamais allés aussi loin avec ce train, mais il est facile à prendre (c’est un peu l’équivalent du RER en Île-De-France) et tout y est traduit en anglais.

A partir de Yokohama, tout se complique. Nous sommes loin de la capitale nippone et ça se sent ! Les habitués sont surpris de croiser des occidentaux (véridique) et surtout toutes les indications sont dans un dialecte local impossible à déchiffrer pour les pauvres européens que nous sommes. Les experts linguistes appellent ces étranges signaux « le japonais »... Pas de panique, il suffit de comparer les dessins (que les connaisseurs nomment « Kanji ») entre eux. Une fois sur le quai, je m’adresse à un employé de la gare. Bon à savoir : il y a, au moins, un employé sur chaque quai de toutes les gares du pays, ce qui est fort pratique pour vérifier notre chemin. Evidemment, il ne parle pas anglais, et 6PO n’est pas avec nous… Heureusement que j’ai des notions en langage des signes (je lui montre sur la carte le lieu où nous souhaitions nous rendre). Nous nous engageons sur la Keikyu Line direction Kurihama. Le train est plus modeste et il n’est plus question d’y trouver une quelconque indication en Anglais. Par chance, le nom des gares y est toujours écrit en alphabet occidental.

Nous arrivons donc à Kurihama. Après quelques échanges avec les autochtones, nous comprenons qu’il sera possible de prendre un bateau pour la suite de l’aventure. Seule contrainte : il va falloir rejoindre le port de Kurihama en bus. Dit comme ça, ça peut paraitre trivial, mais nous sommes maintenant dans le Japon profond et l’alphabet occidental n’est plus qu’un lointain souvenir. Il va falloir se débrouiller avec les Kanji… Heureusement, nos connaissances en japonais (et le GPS que j’ai dans la poche) nous permettent de savoir quand descendre du bus. Et puis, quand y a la mer et des bateaux accostés, on se dit, qu’on est plus très loin…

"Mon vieux Milou, nous voilà en route vers de nouvelles aventures !"

"Mon vieux Milou, nous voilà en route vers de nouvelles aventures !"

L’aventure se poursuit donc en ferry. Etonnamment, ce n’était pas trop compliqué… Nous avons même acheté le billet retour en avance tellement nous étions confiants. Il y a juste la grille des horaires que nous n’arrivons pas à interpréter (Impossible de savoir combien de bateaux font la traversée, si les horaires sont ceux du départ ou de l’arrivée, si c’est ceux de notre berge ou de celle d’en face...). Globalement, ça se passe bien. Cette virée en mer est l’occasion de se rassasier avec un repas frugale acheté à bord.

A l’approche de l’autre rive de la baie de Tokyo, le mont Nokogiri devient de plus en plus impressionnant. Bien sûr, ce n’est rien de comparable au mont Fuji, mais on sent que ça ne va pas être facile d’y grimper.

Terre en vue !

Terre en vue !

Nous débarquons donc à Kanaya. C’est une ville rurale qui contraste largement avec la mégalopole de Tokyo que nous avons quitté le matin même. L’architecture y est beaucoup plus simple. Aucun bâtiment n’a plus de deux étages et y’a même des maisons individuelles ! Les rues sont vides, la nature n’est pas loin et la ville est entourée de montagnes.

Kanaya et ses buildings...

Kanaya et ses buildings...

Après un tour sur la plage où Audrey ramasse quelques coquillages (c’est les vacances après tout), nous partons à la recherche d’une carte des environs qui permettra de nous conduire au sommet.

On trouve un téléphérique au pied de la montagne. Il propose de nous emmener en haut pour une somme modique. C’est pratique mais c’est pas marrant. Heureusement, il existe d’anciens accès pédestres (apparemment toujours praticables) qui peuvent mener au sommet les plus pingres les aventuriers les plus courageux.

Nous voilà parti à l’assaut de la montagne avec une carte modeste. Deux choix s’offrent à nous :

  • Un long chemin en pente douce à travers la forêt
  • Un passage plus escarpé majoritairement composé de marches taillées dans la montagne.
Kanaya et ses environs

Kanaya et ses environs

Nous optons pour la deuxième solution. Nous sommes en forme et ça nous évitera les touristes. Effectivement, cet itinéraire nous met tout de suite dans l’ambiance avec une série de marches qui nous coupent les jambes.

Ça grimpe !!Ça grimpe !!
Ça grimpe !!Ça grimpe !!

Ça grimpe !!

L’avantage c’est que nous sommes très vite en hauteur et nous profitons de vues impressionnantes lorsque l’implantation des arbres le permet. Nous avons, à l’est, une magnifique forêt vallonnée qui s’étend à perte de vue (on ressent vraiment l’origine volcanique de la topographie des lieux) et à l’ouest une vue imprenable sur la baie de Tokyo et le village de Kanaya d’où nous sommes partis.

La baie de Tokyo et la Forêt
La baie de Tokyo et la Forêt

La baie de Tokyo et la Forêt

A mesure que nous approchons du sommet, on remarque que la montagne a été taillée par endroits. Cela parait impressionnant tant l’endroit est difficile d’accès, mais cela confirme la thèse selon laquelle il y a eu de l’activité sur cette montagne. Et nous n’allions pas tarder à le constater par nous-même.

Les anciens ont eu la motivation d’aller tailler la pierre tout là-haut… Les anciens ont eu la motivation d’aller tailler la pierre tout là-haut…

Les anciens ont eu la motivation d’aller tailler la pierre tout là-haut…

A l’approche du sommet, un vieux sage nous confie une carte des lieux qui s’avèrent abriter un temple millénaire ! Cet homme est sans nul doute un ermite coupé du monde chargé de garder l’entrée depuis des décennies. Ou alors il s’agit d’un genre d’employé municipal en charge de la sécurité et de l’accueil des touristes ? Personne ne saurait le dire avec certitude. En tout cas, aussi cliché que cette histoire puisse paraitre, je peux vous assurer qu’elle est vraie.

La preuve : voici la carte qu’il nous a donnée.

La preuve : voici la carte qu’il nous a donnée.

A l’entrée du temps, c’est une statue géante de Kannon, taillée à même la montagne, qui nous accueille.

Kannon est une figure religieuse locale. C’est un genre de divinité bouddhiste. J’avoue ne pas avoir bien compris qui il était ou ce qu’il faisait. Quoi qu’il en soit, on le voit souvent et nous dirons que le mystère lui va bien (un peu comme pour Edward dans Twilight)

Kannon : c’est un peu Bouddha mais en moins gros.

Kannon : c’est un peu Bouddha mais en moins gros.

Nous parcourons ensuite les allées du temple lui-même. Il faut s’imaginer qu’il s’agit de plusieurs bâtiments en bois, plus ou moins grands, disposés un peu partout au sommet de la montagne. Plutôt que de passer des heures à vous décrire, vous pouvez regarder la carte du vieux sage et les photos, ce sera plus simple.

Les méandres du templeLes méandres du temple
Les méandres du templeLes méandres du temple

Les méandres du temple

Après un parcours alambiqué, nous tombons sur le clou de notre visite : un magnifique « plus grand Bouddha ». Car oui, des statues de Bouddha, il y a en a beaucoup au Japon. Et beaucoup sont ce que j’appelle des « plus grand Bouddha ». Voici quelques exemples avec les plus marquants que nous avons vu pendant notre séjour :

  • Le Bouddha de Nara (18 mètres) est le plus grand Bouddha en intérieur.
  • Le Bouddha de Kamakura (13 mètres) est le plus grand Bouddha assis dans lequel on peut rentrer.
  • Le Bouddha de Nokogiri (31 mètres) est le plus grand Bouddha assis, en pierre, du Japon.
  • Le Bouddha dans notre salon (3 centimètres) est le plus grand Bouddha, en jade, assis dans notre appartement.

Vous avez compris le principe, il y a autant de catégories qu’il y a de Bouddha.

Le "plus grand Bouddha"
Le "plus grand Bouddha"
Le "plus grand Bouddha"

Le "plus grand Bouddha"

Néanmoins, ce Bouddha reste mon plus beau Bouddha. Cette sensation est peut-être renforcée par la fatigue, l’altitude ou la bouteille de Lemongina (Orangina Japonais !?) que j’ai bu jute avant de le découvrir.

Quoi qu’il en soit, ce Bouddha est vraiment magnifique et cette sensation est largement renforcée par la beauté et la magie du lieu qui l’accueil. Il est si proche de la ville la plus peuplée du monde et pourtant il en semble tellement éloigné. Il est comme caché et difficilement accessible. Passer un moment à ses pieds, ça se mérite et c’est tant mieux.

Je pourrais écrire longuement sur ce Bouddha et ce qu’il m’inspire, mais je pense que vous avez déjà beaucoup lu pour aujourd’hui…Pour faire simple, après l’avoir admiré un bon moment et lui avoir donné une pièce pour nous attirer ses faveurs, la mission est accomplie. Nous pouvons rentrer chez nous le cœur léger.

Retour vers l’océan en empruntant le chemin à travers la forêt. C’est l’occasion d’apprendre que le transport des blocs de pierres taillées dans la montagne était surtout l’apanage des femmes du village pendant que les hommes étaient plutôt à la pèche (bien joué).

Le retour via la forêt

Le retour via la forêt

Nous marchons donc tranquillement évoquant déjà le caractère exceptionnel de cette journée bien remplie, quand la réalité de la vie citadine nous a rattrapé. Voici une retranscription approximative de nos échanges :

- C’était carrément de la bebon cette journée. (oui, on parle comme des jeunes)

- Ho oui ! D’ailleurs, la nuit est déjà en train de tomber, non ?

- Ouais carrément.

- Je crois que je vois le bateau arriver au port.

- Oui ! Mais on est encore vachement loin…

- Tu crois qu’il y en a encore beaucoup ?

- Euh…

Petit moment de stress : est ce qu’on va arriver à temps pour prendre le bateau et revenir à la civilisation (hommage à Jurassic Park, mais sans les dinosaures à nos trousses) ? Nous allons à l’embarcadère au plus vite. Juste à temps pour voir le bateau partir sans nous.

Le bateau qu’on a pas pu avoir (effectivement, on ne vois rien sur cette photo)

Le bateau qu’on a pas pu avoir (effectivement, on ne vois rien sur cette photo)

Heureusement, il y en a encore un dernier à faire la navette. Quel plaisir d’attendre le prochain pendant une heure, dans cette grande gare pour bateaux quasiment déserte... Ce sera l’occasion d’être tranquille sur le navire. Nous y profitons de la diffusion d’un match de baseball à la télé du pont principal. Et vous savez quoi ? Bin le baseball, c’est chiant…

Et un tampon de plus dans notre carnet de voyage !

Et un tampon de plus dans notre carnet de voyage !

Merci à ceux qui ont lu tout l’article (dites-vous que c’était encore plus long à écrire). Quant à toi, le petit malin qui n’a regardé que les photos, je te dis… Bien joué ! Tu es vraiment malin (dommage que tu n’aies pas eu l’occasion de lire ce compliment ! Et toc !)

Maintenant, si vous cherchez la sérénité et la béatitude, vous saurez où aller.

 

 

* Histoire partiellement inspirée de faits réels

** pachinko : sorte de flipper vertical, très bruitant, dont les japonais sont dingues

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U
Quel article...! <br /> Comme je dis toujours "tout viens à qui sait attendre". <br /> Cette chronique est, de loin, l'un des meilleurs papiers qu'il m'ait été donné de lire depuis des années. <br /> Merci pour votre sagacité chère "RL". <br /> Au plaisir de vous lire. <br /> Bien cordialement,
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L
Vous faites plein de fautes d'orthographe caporal ! Vous me ferez le plaisir de faire 20 pompes et de vous faire relire par votre secrétaire personnelle la prochaine fois. Oui votre femme c'est pareil. L'égalité des sexes on en reparlera quand il faudra pêcher... (Et non pas porter des trucs lourd)
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U
Cher "général" (si tant est que vous soyez seulement dans l'armée ; ce dont je doute). Il est bien inutile de crier haro sur le baudet comme vous le faite. Au diables les pisse-froids. Ces fautes ajoutent du sel à un article plein de saveur. Ne vous décourager pas très cher RL, il m'est moi-même arrivé de faire une faute d’orthographe au détour d'un article pendant l'été 1996... De sinistre mémoire...
R
Il est genial ton article Rémi! Je suis une grande fan, jai bien rigolé ^^
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R
Merci !<br /> Dommage que "le général" n'ai pas corrigé les fautes d’orthographes...